viernes, 21 de agosto de 2015

La terrible semilla del baobab


Cada día yo aprendía algo nuevo sobre el planeta, sobre la partida y sobre el viaje. Esto venía suavemente al azar de las reflexiones. De esta manera tuve conocimiento al tercer día, del drama de los baobabs.

Fue también gracias al cordero y como preocupado por una profunda duda, cuando el principito me preguntó:

—¿Es verdad que los corderos se comen los arbustos?

—Sí, es cierto.

—¡Ah, qué contento estoy!

No comprendí por qué era tan importante para él que los corderos se comieran los arbustos. Pero el principito añadió:

—Entonces se comen también los Baobabs.

Le hice comprender al principito que los baobabs no son arbustos, sino árboles tan grandes como iglesias y que incluso si llevase consigo todo un rebaño de elefantes, el rebaño no lograría acabar con un solo baobab.

Esta idea del rebaño de elefantes hizo reír al principito.

—Habría que poner los elefantes unos sobre otros…

Y luego añadió juiciosamente:

—Los baobabs, antes de crecer, son muy pequeñitos.

—Es cierto. Pero ¿por qué quieres que tus corderos coman los baobabs?

Me contestó: "¡Bueno! ¡Vamos!" como si hablara de una evidencia. Me fue necesario un gran esfuerzo de inteligencia para comprender por mí mismo este problema.

En efecto, en el planeta del principito había, como en todos los planetas, hierbas buenas y hierbas malas. Por consiguiente, de buenas semillas salían buenas hierbas y de las semillas malas, hierbas malas. Pero las semillas son invisibles; duermen en el secreto de la tierra, hasta que un buen día una de ellas tiene la fantasía de despertarse. Entonces se alarga extendiendo hacia el sol, primero tímidamente, una encantadora ramita inofensiva. Si se trata de una ramita de rábano o de rosal, se la puede dejar que crezca como quiera. Pero si se trata de una mala hierba, es preciso arrancarla inmediatamente en cuanto uno ha sabido reconocerla. En el planeta del principito había semillas terribles… como las semillas del baobab. El suelo del planeta está infestado de ellas. Si un baobab no se arranca a tiempo, no hay manera de desembarazarse de él más tarde; cubre todo el planeta y lo perfora con sus raíces. Y si el planeta es demasiado pequeño y los baobabs son numerosos, lo hacen estallar.

"Es una cuestión de disciplina, me decía más tarde el principito. Cuando por la mañana uno termina de arreglarse, hay que hacer cuidadosamente la limpieza del planeta. Hay que dedicarse regularmente a arrancar los baobabs, cuando se les distingue de los rosales, a los cuales se parecen mucho cuando son pequeñitos. Es un trabajo muy fastidioso pero muy fácil".

Y un día me aconsejó que me dedicara a realizar un hermoso dibujo, que hiciera comprender a los niños de la tierra estas ideas. "Si alguna vez viajan, me decía, esto podrá servirles mucho. A veces no hay inconveniente en dejar para más tarde el trabajo que se ha de hacer; pero tratándose de baobabs, el retraso es siempre una catástrofe. Yo he conocido un planeta, habitado por un perezoso que descuidó tres arbustos…"

Siguiendo las indicaciones del principito, dibujé dicho planeta. Aunque no me gusta el papel de moralista, el peligro de los baobabs es tan desconocido y los peligros que puede correr quien llegue a perderse en un asteroide son tan grandes, que no vacilo en hacer una excepción y exclamar: "¡Niños, atención a los baobabs!" Y sólo con el fin de advertir a mis amigos de estos peligros a que se exponen desde hace ya tiempo sin saberlo, es por lo que trabajé y puse tanto empeño en realizar este dibujo. La lección que con él podía dar, valía la pena. Es muy posible que alguien me pregunte por qué no hay en este libro otros dibujos tan grandiosos como el dibujo de los baobabs. La respuesta es muy sencilla: he tratado de hacerlos, pero no lo he logrado. Cuando dibujé los baobabs estaba animado por un sentimiento de urgencia.



Antoine de Saint-Exupéry, El principito, V


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Chaque jour j'apprenais quelque chose sur la planète, sur le départ, sur le voyage. Ça venait tout doucement, au hasard des réflexions. C'est ainsi que, le troisième jour, je connus le drame des baobabs.

Cette fois-ci encore ce fut grâce au mouton, car brusquement le petit prince m'interrogea, comme pris d'un doute grave :

- C'est bien vrai, n'est-ce pas, que les moutons mangent les arbustes?

- Oui. C'est vrai.

- Ah! Je suis content.

Je ne compris pas pourquoi il était si important que les moutons mangeassent les arbustes. Mais le petit prince ajouta :

- Par conséquent ils mangent aussi les baobabs?

Je fis remarquer au petit prince que les baobabs ne sont pas des arbustes, mais des arbres grands comme des églises et que, si même il emportait avec lui tout un troupeau d'éléphants, ce troupeau ne viendrait pas à bout d'un seul baobab.

L'idée du troupeau d'éléphants fit rire le petit prince

- Il faudrait les mettre les uns sur les autres...
Mais il remarqua avec sagesse :

- Les baobabs, avant de grandir, ça commence par être petit.

- C'est exact! Mais pourquoi veux-tu que tes moutons mangent les petits baobabs?



Il me répondit: "Ben! Voyons!" Comme s'il s'agissait là d'une évidence. Et il me fallut un grand effort d'intelligence pour comprendre à moi seul ce problème.

Et en effet, sur la planète du petit prince, il y avait comme sur toutes les planètes, de bonnes herbes et de mauvaises herbes. Par conséquent de bonnes graines de bonnes herbes et de mauvaises graines de mauvaises herbes. Mais les graines sont invisibles. Elles dorment dans le secret de la terre jusqu'à ce qu'il prenne fantaisie à l'une d'elles de se réveiller... Alors elle s'étire, et pousse d'abord timidement vers le soleil une ravissante petite brindille inoffensive. S'il s'agit d'une brindille de radis ou de rosier, on peut la laisser pousser comme elle veut. Mais s'il s'agit d'une mauvaise plante, il faut arracher la plante aussitôt, dès qu'on a su la reconnaître. Or il y avait des graines terribles sur la planète du petit prince... c'étaient les graines de baobabs. Le sol de la planète en était infesté. Or un baobab, si l'on s'y prend trop tard, on ne peut jamais plus s'en débarrasser. Il encombre toute la planète. Il la perfore de ses racines. Et si la planète est trop petite, et si les baobabs sont trop nombreux, ils la font éclater.

"C'est une question de discipline, me disait plus tard le petit prince. Quand on a terminé sa toilette du matin, il faut faire soigneusement la toilette de la planète. Il faut s'astreindre régulièrement à arracher les baobabs dès qu'on les distingue d'avec les rosiers auxquels ils ressemblent beaucoup quand ils sont très jeunes. C'est un travail très ennuyeux, mais très facile."

Et un jour il me conseilla de m'appliquer à réussir un beau dessin, pour bien faire entrer ça dans la tête des enfants de chez moi. "S'ils voyagent un jour, me disait-il, ça pourra leur servir. Il est quelquefois sans inconvénient de remettre à plus tard son travail. Mais, s'il s'agit des baobabs, c'est toujours une catastrophe. J'ai connu une planète, habitée par un paresseux. Il avait négligé trois arbustes..."

Et, sur les indications du petit prince, j'ai dessiné cette planète-là. Je n'aime guère prendre le ton d'un moraliste. Mais le danger des baobabs est si peu connu, et les risques courus par celui qui s'égarerait dans un astéroïde sont si considérables, que, pour une fois, je fais exception à ma réserve. Je dis: "Enfants! Faites attention aux baobabs!" C'est pour avertir mes amis d'un danger qu'ils frôlaient depuis longtemps, comme moi-même, sans le connaître, que j'ai tant travaillé ce dessin-là. La leçon que je donnais en valait la peine. Vous vous demanderez peut-être : Pourquoi n'y a-t-il pas, dans ce livre, d'autres dessins aussi grandioses que le dessin des baobabs? La réponse est bien simple : J'ai essayé mais je n'ai pas pu réussir. Quand j'ai dessiné les baobabs j'ai été animé par le sentiment de l'urgence.